Entretien avec M. Christophe Girard : La politique culturelle nouvelle serait-elle enfin arrivée ?
Chers collègues,
Le mardi 13 novembre, notre organisation syndicale FO a été reçue par M. Christophe Girard, le nouvel élu à la Culture, qui remplace le premier Adjoint à la Maire de Paris démissionnaire: M. Bruno Julliard.
Nous avons pu évoquer l’ensemble des sujets qui nous préoccupent :
- Les problèmes d’effectifs dans les bibliothèques.
- Les ateliers Beaux Arts et notamment la fermeture de l’atelier de la rue de Sévigné dans le 3ème arrondissement.
- Et enfin les conservatoires qui en plus de souffrir des mêmes maux que les bibliothèques (manque d’effectifs), ont subi de plein fouet une réforme.
Avant de vous livrer notre analyse des réponses de M. Girard, rappelons que cet élu n’est pas novice au portefeuille de la culture, il avait déjà en charge cette thématique sous le mandat de Bertrand Delanoë. Nous pouvons convenir qu’il s’était acquitté de cette mission en laissant un bilan globalement positif.
Concernant, le manque de personnel dans les bibliothèques, il semble que l’élu soit bien conscient du problème, mais qu’il dispose d’une marge de manœuvre qui sera définie par les contraintes budgétaires.
Concernant les ateliers Beaux Arts, nous avons relayé l’inquiétude de nos collègues (enseignants et modèles d’art) quant à un éventuel projet de création d’un Etablissement Public de Coopération Culturelle, qui permettrait de sortir du giron communal cet enseignement spécialisé. En effet, la ville de Paris a ouvert cette voie avec la création de Paris Musées, organisme public, qui gère désormais de manière autonome ces établissements avec des conséquences statutaires et fonctionnelles non-négligeables pour nos collègues qui ont vu leur tutelle changer. M. Girard nous a affirmé qu’aucun projet de ce type n’était à l’étude et que la fermeture de l’atelier Sevigné et les restructurations en cours dans d’autres ateliers du réseau, qui pouvaient être interprétés comme des signes avant-coureurs, n’étaient rien d’autre que des réponses ponctuelles liées à des contraintes immobilières.
Enfin, concernant les conservatoires, nous avons eu l’occasion de rappeler à M. Girard la position de FO vis-à-vis de la réforme menée par son prédécesseur: notre organisation se prononce en faveur d’une culture pour tous, mais est résolument opposée à une culture de masse.
Cette confusion a été, de notre point de vue, l’un des principes fondateurs de la réforme voulue par M. Julliard, qui reprochait aux conservatoires d’être « trop élitistes » commettant ainsi une nouvelle confusion entre élitisme et exigences artistiques et qui décrivait ces établissements comme des organes perpétuant les inégalités de classes sociales. Nous savons à quel point cette vision est erronée et nous avons rappelé l’engagement de tous nos collègues auprès des enfants issus de milieux défavorisés qui fréquentent nos établissements, quoique M. Julliard en dise – pour compenser, si besoin, un environnement familial moins favorable à leur épanouissement culturel.
Nous avons insisté sur la nécessité de ne jamais sacrifier l’exigence et la recherche de l’excellence sur l’autel d’une volonté d’ouverture des conservatoires à tous les publics. Une telle démarche aboutirait à ne plus garantir une égalité de tous face à l’enseignement public et sans doute favoriserait le développement d’un enseignement privé réservé aux familles les plus aisées. Dans le même ordre d’idée, nous avons attiré l’attention de M. Girard sur la nécessité de maintenir les pédagogies individualisées, qui garantissent à chacun la possibilité de bénéficier d’un enseignement adapté, gage d’un parcours pédagogique réussi.
Cette vision, loin de heurter notre nouvel élu à la Culture, a semblé recueillir son adhésion. Il nous a confirmé être attaché à la tradition d’excellence des conservatoires et, à titre d’exemple, s’il ne nie pas l’intérêt des pédagogies axées sur des formes d’expression spontanées, il considère que celles-ci ne doivent, en aucun cas, ni se substituer, ni supplanter les apprentissages traditionnels.
M. Girard nous a enfin affirmé souhaiter placer la culture et ses acteurs au centre de son projet politique et notamment mener une réflexion autour d’un rapprochement entre les établissements culturels et certains acteurs de théâtre qui se produisent sur les planches parisiennes.
A l’issu de cet entretien, nous avons eu le sentiment qu’une page se tournait et que peut être une nouvelle ère s’ouvrait. Nous nous sommes presque surpris à rêver que notre capitale, qui avait souhaité donner l’exemple dans la mise en œuvre de cette réforme dont nous constatons les effets délétères, puisse devenir cette fois ci, le « chef de file », la « locomotive » d’une politique culturelle différente et nouvelle, qui d’une part, permettrait aux conservatoires de construire leur avenir sans renier leur tradition et d’autre part constituerait un foyer de résistance contre une forme de démagogie qui émerge à l’échelon national et qui tend à convertir nos établissements en centres d’animation socio-culturel.
Le rêve n’est pas dans l’ADN de notre organisation syndicale, qui est au côté des agents sur le terrain et qui ne se berce pas facilement d’illusions. Et si nous ne mettons nullement en doute la sincérité des propos de M. Girard, nous resterons vigilants et attentifs à tous les signaux qui nous permettrons d’apprécier la possibilité que ce rêve devienne une réalité à Paris. Dans tous les cas, nous l’appelons de tous nos vœux, gageons que cela soit encore possible !