Lettre ouverte à Madame Hidalgo
Depuis le premier janvier, les règles de stationnement ont évolué. La Ville de Paris a mis en place plusieurs dispositifs:
- La dématérialisation du paiement
- Le contrôle du paiement par des sociétés privées qui sont équipées de véhicules radars pour automatiser la verbalisation
- De nouveaux tarifs très pénalisants pour les stationnements supérieurs à 2 heures consécutives.
Tous les agents de la Ville qui habitent en banlieue et travaillent en horaires décalés, qui doivent de ce fait, se rendre à leur travail en voiture, deviennent les cibles de cette politique et payent leur stationnement au prix fort. La Ville de Paris ne souhaite pas faire bénéficier ses propres agents du statut « PRO » au regard du stationnement alors qu’elle octroie ce privilège à un grand nombre de professionnels (commerçants, médecins…). Garant des intérêts moraux et financiers des personnels, notre syndicat FO a engagé des négociations avec la Ville, qui reste indifférente face aux difficultés de ses agents. La lettre ouverte que notre syndicat a adressé à Madame Hidalgo et qui à ce jour est restée sans réponse concrète est une première étape dans cette lutte que l’administration semble vouloir engager.contre ses salariés en dépit de la légitimité de leur requête: être reconnus comme professionnels et non comme de simples visiteurs au regard de la règlementation sur le stationnement.
Lettre ouverte à Madame Hidalgo
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Paris, 11 janvier 2018
Madame la Maire de Paris,
Le Conseil de Paris a voté, à votre demande et sous votre présidence, une série de mesures concernant le stationnement et notamment des délégations de service public (D.S.P) accordées à deux sociétés privées ainsi qu’une augmentation tarifaire très importante pour le stationnement supérieur à 2 heures consécutives. Ces nouvelles dispositions ont un impact considérable sur le pouvoir d’achat de toute une catégorie de personnels de la Ville de Paris. En effet, votre collectivité emploie un certain nombre de salarié(e)s dont les missions nécessitent des cycles de travail particuliers, ce qui les contraint à travailler en horaires décalés (prise de service tôt le matin ou fin de service tard le soir).
Vous ne pouvez ignorer, pour avoir fait partie de la majorité qui a mis en place l’encadrement des loyers dans plusieurs grandes ville de France, que le parc locatif parisien n’est plus accessible à bon nombre d’agents de la Ville. Ainsi, les salarié(e)s qui travaillent en horaires décalés et qui résident parfois très loin de la capitale sont amené(e)s à utiliser leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail. Les contraintes qui motivent l’usage de ce mode de transport sont nombreuses :
ñ des transports en commun rares ou inexistants en dehors des heures de bureau et un maillage territorial parfois insuffisant qui allongent considérablement les temps de parcours jusqu’à les tripler
ñ le transport pour les besoins du service de matériel lourd, encombrant et/ou fragile en particulier dans les conservatoires
ñ l’insécurité des transports en commun à certaines heures.
Concernant ce dernier point, j’attire votre attention, Madame La Maire, sur les problèmes de sécurité (notamment pour les agents féminins) que constitue l’usage de certaines lignes en direction de la banlieue, tard dans la soirée, lorsque les trains sont rares, qu’ils sont déserts et qu’ils desservent des quartiers « difficiles ». L’insécurité y est bien réelle : au delà des agressions physiques, toutes les incivilités, les insultes, les harcèlements sexistes contribuent à créer objectivement un climat de peur qui justifie pleinement un comportement d’évitement et donc l’usage du véhicule personnel.
Nous avons alerté votre administration sur les difficultés que ces nouvelles dispositions engendraient pour ces personnels lors d’une audience qui nous a été accordée par votre Secrétaire Générale Adjointe, le 4 décembre dernier. Nos demandes n’étaient pas de nature à contredire la politique en faveur du développement durable que vous menez. D’une part, nos revendications ne concernaient qu’une catégorie ciblée de personnels et d’autre part, la solution que nous proposions était, à défaut de gratuité du stationnement, qui pourrait être perçu comme un encouragement à prendre son véhicule personnel, de faire bénéficier les agents concerné(e)s d’un régime de stationnement aligné sur celui que vous proposez à certains professionnels, notamment les artisans et les commerçants. Autrement dit, que les agents de la ville répondant aux critères susmentionnés puissent être considérés comme « professionnels » et non comme « visiteurs » au regard des règles de stationnement.
Au vu de l’arrêté n°2017 P12620 publié dans le BMO n°100, des réponses ou des silences de vos services, il semble que nous soyons dans une situation de statu quo. Votre administration reste totalement insensible aux réelles difficultés de ses salarié(e)s et ne souhaite pas consentir la moindre concession pour améliorer leur qualité de vie. Ils doivent dès lors arbitrer entre des conditions de transport difficiles et leurs revenus car ces nouvelles dispositions sont de nature confiscatoires. Un salarié qui est présent dans le cadre de son service 6h par jour et 5 jour par semaine devra acquitter un droit de stationnement de 700€ à 1000€ selon son arrondissement d’affectation, soit 38% et 55% du salaire mensuel net médian français évalué à 1797€ par l’INSEE en 2015.
Notre organisation syndicale est indignée par une telle méconnaissance de la réalité et du quotidien des agents et tel un mépris pour les difficultés qu’ils subissent. Alors que vous reconnaissez à tous les artisans et les commerçants exerçant à Paris, le droit de stationner en toute quiétude à un tarif préférentiel avec les cartes « PRO« , vous refusez d’accorder ce droit à vos propres agents qui doivent payer leur stationnement au prix fort. Les artisans et les commerçants sont considérés comme des « professionnels », mais vos agents qui travaillent au service des parisiens ne méritent pas d’être reconnus comme tels et restent de simples « visiteurs » !!!.
Certes, la qualité de l’air et les problèmes de santé publique qui en découlent sont devenus l’affaire de tous. Mais un commerçant dont les horaires sont totalement compatibles avec l’usage des transports en commun, qui habite la capitale comme cela est souvent le cas, lorsqu’il utilise son véhicule pour des raisons de confort, aurait-il un impact écologique moindre qu’un salarié de la ville qui n’a bien souvent d’autre choix sauf à s’imposer des conditions de transport inacceptables? Quelle justification voyez vous à refuser aux agents de la Ville qui feraient l’effort de s’équiper d’un véhicule non polluant, la possibilité de stationner plus de deux heures comme c’est le cas aujourd’hui, dans la mesure où, quand bien même ils ne polluent pas, ils restent considérés comme des visiteurs?
Notre organisation syndicale a du mal à saisir la cohérence de cette politique qui pénalise fortement certains salariés de la ville, complique leur quotidien et grève leurs revenus. Dans votre courrier du 15 décembre 2017 adressé à l’ensemble des agents, vous déclarez : Je souhaite continuer de mener une politique de ressources humaines progressiste et protectrice – avec une attention particulière portée à l’amélioration des conditions de travail, à la lutte contre toutes les formes d’inégalité et de discrimination, et à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle… »
Une mère de famille qui travaille en horaires décalés pour les besoins de la collectivité et qui ne pourra plus se rendre à son travail avec son véhicule personnel et verra de ce fait ses temps de transport doubler voire tripler dans certains cas, réalisera-t-elle cet équilibre entre vie familiale et professionnelle que vous semblez défendre? Ses conditions de travail seront elles réellement meilleures alors qu’elle devra emprunter une ligne de banlieue tard le soir avec tous les risques associés? Ces améliorations que vous souhaitez, les réserveriez vous aux salariés domiciliés à Paris en ignorant souverainement tous ceux qui, faute d’avoir les moyens de loger dans la capitale doivent arbitrer entre subir un parcours du combattant avant et après leur service ou payer le prix fort? Autant de questions qui restent sans réponses ou qui sont éludées par une position qui interdit toutes négociations: « les agents de la ville doivent donner l’exemple ».
Madame la Maire, au nom des valeurs humanistes que vous souhaitez défendre, au nom du dialogue social de qualité dont vous vous faites la garante, au nom des conditions de travail que vous souhaitez préserver dans votre administration, notre organisation syndicale vous demande de bien vouloir reconsidérer votre position afin qu’un vrai travail soit mené en urgence pour trouver des solutions pérennes qui préservent l’équité entre tous les salariés de toutes les directions. Comptant sur votre compréhension et votre écoute, nous vous prions d’agréer, Madame la Maire de Paris, nos salutations respectueuses.
Pour le Conseil syndical Bertrand VINCENT S.G – F.O